Retrouvez ci-dessous le discours que j'ai prononcé mercredi dernier à l'occasion du 8 mai.
"Mesdames et Messieurs les Présidents d’Associations d’Anciens Combattants, Victimes de Guerre, Résistants, Déportés, Internés et Patriotes,
Messieurs, Mesdames les élus, mes Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs, chers Amis,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour nous souvenir. Il y a 68 ans jour pour jour, la plus atroce des guerres s’achevait en Europe. Le 8 mai 1945, Le Maréchal Keitel, successeur d’Adolf Hitler qui s’était donné la mort 8 jours plus tôt, présentait l’acte de reddition des armées allemandes. Bien sûr, la guerre ne prit totalement fin que le 2 septembre 1945 avec la capitulation du Japon, après plusieurs mois de combats acharnés dans le Pacifique et pour la première et unique fois de l’histoire, l’utilisation de l’arme atomique contre un peuple. Mais le 8 mai restera le jour où la liberté et la démocratie ont triomphé de la barbarie.
Ce conflit a touché tous les continents sans exception et son bilan est terrible : près de 60 millions de victimes. On compte plus de 21 millions de morts en URSS, plus de 11 millions en Chine, plus de 7 millions en Allemagne et 6 millions de juifs en Europe. Nous avons le devoir rendre hommage aux victimes et à tous ceux qui se sont engagés pour défendre nos valeurs: les soldats français qui se sont battus en mai et juin 1940 et l’ont chèrement payé (90 000 morts et 1 850 000 prisonniers); les engagés des Forces Françaises Libres qui combattirent en Afrique, en Europe et jusqu’au cœur de l’Allemagne nazie; nos troupes coloniales d’Afrique du Nord et d’Afrique noire ; les milliers de jeunes soldats américains, britanniques, soviétiques, australiens, néo zélandais, canadiens…
Je pense enfin aux résistants, qui, trop souvent au prix de leur vie, ont fait, font et feront encore demain l’honneur de notre nation. C’est l’occasion pour moi de rendre hommage à Elisabeth Roussey, institutrice résistante native Belfort qui a enseigné à l’école de la Garenne à Clamart presque 20 ans, de 1963 jusqu’à sa retraite en 1981. Engagée dès 1939 à la Croix-Rouge Française, elle fera passer de nombreux résistants vers la Suisse en 1943 et 1944 au cours d’un trajet, la nuit, long de 25km. Connue par les Clamartois pour son franc-parler et son grand cœur, Elisabeth Roussey s’est éteinte en 2009 et la ville de Belfort vient d’ailleurs de lui rendre hommage.
Cette guerre a repoussé les limites de la violence dans des proportions inimaginables. Elle fut le théâtre de multiples crimes de guerre et de crimes contre l’humanité : celui de la déportation en camps de concentration et camps de travail à des fins d’extermination de populations entières (Juifs, Slaves, Tziganes), et de ceux qui ne correspondaient pas à la « norme nazie »: handicapés, homosexuels, communistes, francs maçons… Nous avons le devoir de donner un sens à la perte de ces millions de vies. Nous avons le devoir d'apprendre et d'agir, afin que l'Histoire ne se répète pas. Ces souvenirs doivent être notre force, notre victoire sur le temps et sur l'oubli.
Si 1945 a sonné la fin de la guerre, je voudrais m’arrêter aujourd’hui sur cette année 1943 qui a marqué un véritable tournant dans le conflit. Avant même le début de la guerre, les nazis ont transgressé les dispositions du traité de Versailles, tandis qu’en face, il y a eu surtout de la renonciation et de la résignation.Après la remilitarisation de la Rhénanie en 1937 et l’Anschluss en 1938 viennent les accords de Munich signés le 30 septembre 1938 par l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie. Le Président du Conseil Edouard Daladier pour la France et Neville Chamberlain, 1er Ministre britannique, signent l’inacceptable dans l’espoir tout à fait illusoire de « sauver la paix ». En cédant le territoire des Sudètes, ils donnent de fait la Tchécoslovaquie toute entière en pâture à l’Allemagne, laissant un de leurs anciens alliés se faire dépecer. Un mois plus tard, pour qualifier cet accord, Winston Churchill eut ainsi ces mots: « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre. »
De fait, l’ambition expansionniste de l’Allemagne n’a aucune raison de s’arrêter là : elle attaque la Pologne le 1er septembre. Ce sera le geste de trop pour les alliés français et britanniques qui entrent en guerre deux jours plus tard. La suite, nous la connaissons : la Blitzkrieg qui voit successivement tomber les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique et la France en deux mois. Dès 1941, la terreur règne en France et les victoires des forces de l’Axes s’enchainent. L’année 1942 est assurément celle de l’apogée du nazisme. Ils occupent la majeure partie de l’Europe ; à l’Est, les Allemands, qui ont lancé encore à ce jour la plus grande offensive militaire de l’histoire, sont aux portes de Moscou et de Leningrad ; en Afrique du Nord, Rommel n’est plus qu’à quelques dizaines de kilomètres d’Alexandrie; dans le Pacifique, les japonais enchainent également les conquêtes: Philippines, le Timor Oriental, Bornéo, l’ile de Java…
Je le disais, l’année 1943 marquera un vrai tournant dans le conflit. Tout d'abord, l’espoir change enfin de camp : les Allemands subissent sur le front oriental une très lourde défaite à Stalingrad. Cette bataille marque les mémoires : la Wehrmacht, cette formidable machine de guerre PEUT perdre… 1943 marque également le début du débarquement des Alliés en Italie et le celui de la libération de la France, avec dès le 5 octobre, la Corse, premier département de France métropolitaine libéré par un effort conjoint des résistants et des Forces France Libres. Plus encore, 1943 marque le regain de crédibilité de notre pays parmi les puissances alliés, de par sa participation à la guerre, ses effectifs toujours plus important et ses victoires. On se souvient du Maréchal Juin, nommé par le Général De Gaulle en 1943 à la tête du corps expéditionnaire français en Italie, qui participera à la Campagne d’Italie aux côté des britanniques et des américains. On se souvient aussi du Général De Lattre qui à la tête de la première armée française participera au débarquement de Provence et portera le fer jusqu’au cœur de l’Allemagne Nazie. C’est grâce à ces victoires que la France retrouvera sa place et son rang parmi les quatre grands vainqueurs de la guerre.
1943, c’est enfin l’année de la création du Conseil National de la Résistance, dont nous fêterons le 27 mai prochain les 70 ans. Jean Moulin réussit le tour de force d’unir les différents mouvements de la Résistance intérieure Française, ce qui permit également au général de Gaulle d'affirmer sa légitimité auprès des alliés. Arreté par la gestapo, il décédera le 8 juillet à la suite des tortures infligées par Klaus Barbie. Son mutisme assura la survie du CNR. Moins d'un an après, le 15 mars 1944, le programme du Conseil National de la Résistance, intitulé "Les jours heureux", jette les bases du fameux modèle social français, auquel nous sommes tous très attachés par delà les clivages politiques: création d’un système de sécurité sociale et d’un véritable système de retraite, instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, droit au travail, à la sécurité de l’emploi, et le droit au repos, création d’une véritable Ecole de la République, élargissement des droits civiques, liberté de la presse, d’association…
Aujourd’hui encore, nous devons nous appuyer sur les valeurs de ce programme : des valeurs de liberté, de respect de la dignité, de solidarité, de justice sociale… Plus que jamais, elles sont indispensables à notre société, et c’est à travers elles que nous sortirons plus forts des difficultés que traverse notre nation. De même, chacun de nous se doit aujourd’hui d’être résistant et combattre les discours de haine qui progressent malheureusement en Europe et en France. Je veux enfin avoir une pensée pour nos militaires engagés au Mali. Eux, comme nos soldats d’hier, se battent également pour faire vivre la liberté.
Ces appels au progrès, à la paix entre les peuples, à la liberté : voilà ce qui justifie finalement que nous nous réunissions chaque année en ce jour de 8 mai.
Vive la Paix, Vive l’Europe, Vive la France, et vive Clamart."